► Prologue : La tour déserte.

The Borgia Tower (ou la Tour des Borgia si vous le préférez en français). Située dans le célèbre pays du Vatican, c'était pourtant quelque chose d'insignifiant pour des personnes lambda. Un bâtiment comme il en existe des tas d'autres, inconnus de millions de personnes ... et pourtant.

La jeune fille qui marchait le plus discrètement possible à travers les couloirs se fichait pas mal de savoir que la famille Borgia, à travers les temps, avait acquit une renommée aussi sombre que les cauchemars incessants d'un enfant. Elle avait une mission à effectuer et le reste importait peu. Elle savait déjà comment tout allait se dérouler, elle en avait l'habitude. La blonde essayait de se glisser sans bruit, seulement l'écho de la tour ne l'aidait pas beaucoup. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le bâtiment était très large, et il était difficile de se cacher et d'observer. La jeune fille déboucha sur une grande allée magnifiquement décorée et y repéra un escalier fait de marbre dans le coin gauche. Elle tenta de s'y aventurer mais se stoppa un instant. D'un coup, elle retourna se cacher derrière un mur avec précipitation. Deux personnes descendaient les escaliers usés par le temps.
Les deux hommes marchaient à leur rythme, dialoguant avec des gestes, chuchotant à peine, comme s'ils savaient que quelqu'un les écoutait en ce moment. Cela n'avait aucun intérêt pour la jeune fille qui se cachait. Elle ne cherchait pas à espionner ces personnes, loin de là. Mais les hommes s'arrêtaient maintenant au milieu de l'allée. La blonde pesta. Elle les observa, et commença à perdre patience. Elle tapotait du pied, et l'on pourrait se demander comment le duo des hommes mystères ne pouvaient pas l'entendre tellement elle faisait du bruit.
Collée contre le mur, elle fouilla dans sa poche en soupirant. Elle n'avait fait que chercher ces saletés d'escaliers depuis le début de la mission en tant qu'éclaireur -les autres membres de son groupe étant derrière à attendre le signal pour aller plus loin. Mais cette tour était tellement déserte que la jeune fille s'ennuyait terriblement. Elle aurait tellement aimé se mettre quelques victimes sous la dent, histoire de rassasier sa faim. Maintenant elle le pouvait ... Surprendre ces hommes, voir leurs mines affligées comme s'ils étaient surpris à se bécoter. Et puis ensuite ... elle sortit son yoyo et commença à le faire monter et descendre avec frénésie. On lui avait dit : " La cible d'abord. " En d'autres termes, elle devait économiser les souffres-douleur et devait se limiter à un seul, qu'elle devait en plus partager avec les autres. Un bien maigre repas ma foi.
Le yoyo s'agitant de plus en plus, la jeune fille ne tenait plus en place ... La mission devait vite se terminer n'est-ce pas ? Or ces deux imbéciles ne bougeaient pas d'un millimètre depuis quelques minutes déjà. Ils étaient une gêne pour l'aboutissement de la tache pour laquelle on allait la payer, elle et son groupe. Leur élimination était inévitable, non ? Sur cette conclusion hative, la jeune fille se retourna tout sourire, et tout se passa comme elle l'avait pensé quelques instants plus tôt.
Alors, des cris se firent entendre, traduisant une douleur que personne ne voulait ressentir ... puis le calme. Les hommes qui avaient osé gêner la mission tombèrent au sol. La blonde, gardant son jouet en mouvement à la main, marcha au-dessus des corps sans se soucier que quelqu'un ne découvre les cadavres. Il n'y avait personne ici, et le temps que quelqu'un ne remarque leur présence, la cible serait déjà éliminée et le groupe en-dehors du pays et même au-delà. Elle monta néanmoins les marches prudemment. Peut-être que la prochaine victime -celle qui était prévue cette fois- allait descendre après les cris qui venaient de se faire entendre -elle s'était assez déchaînée pour des adversaires si médiocres. Mais elle arriva au dernier étage sans avoir rencontré âme qui vive. Elle s'arrêta plusieurs marches avant le prochain niveau. Elle stoppa l'activité de son yoyo et se retourna dans son élan avec un grand sourire satisfait :
" C'est dans la poche les gars ! "

Cela faisait plusieurs minutes que le petit groupe attendait un signal de leur éclaireuse. Ils s’étaient cachés dans une petite pièce sombre et poussiéreuse. Heather fermait les yeux pour se concentrer sur ces autres sens. Dans ce petit espace renfermé sa perception visuelle ne lui servait à rien. Si quelqu’un approchait de leur cachette elle l’entendrait arriver bien avant de le voir. Elle se concentrait sur les bruits qui l’entouraient. Elle ne perçut d’abord que les respirations régulières de ces camarades, puis elle entendis un léger tapotement contre un mur. Elle rouvrit les yeux d'un seule coup et se tourna vers la personne concerné, lui intiment en un regard de cesser de faire du bruit. Mais un autre son lui fit détourner son attention, elle eut l’impression d’entendre l’écho de pas de plusieurs personnes, des individus qui ne souciaient guère d’être discret apparemment. Il ne pouvait pas s’agir de Kurata. Heather commença à se demander s’ils avaient été très lucides en choisissant la jeune fille comme éclaireuse. Reisen était plus discrète qu’elle mais Heather avait des doutes sur son aptitude à prendre les bonnes décisions. Quelques secondes plus tard des cris retentirent, et lui firent penser que Kurata aussi était capable de prendre de mauvaises décisions. Elle savait que la jeune fille était impatiente, elle avait dû se lasser de devoir se faire discrète et céder à ses pulsions meurtrières.

« Je crois que c’est le moment » dit-elle à l’adresse de ses partenaires

Il ne s’agissait pas du signal de l’éclaireuse mais Heather décida de sortir de la petite pièce et se dirigea vers l’endroit d’où provenait les cris. Cela ne changerait plus grand-chose maintenant. Si d’autres personnes se trouvaient dans le bâtiment ils rappliqueraient par ici eux aussi, et le petit groupe ne pouvait se permettre de laisser qui que ce soit tomber sur des cadavres. Ils seraient donc contraints de tuer toutes les personnes qui croiseraient leur chemin. En arrivant au bas des escaliers la jeune tueuse trouva exactement ce à quoi elle s’attendait deux hommes morts, sans trace de blessures extérieur. Elle vérifia tout de même leur pouls, uniquement par acquis de conscience, car elle connaissait assez bien sa camarade pour savoir qu’elle ne les aurait jamais laissés en vie, une fois qu’elle commençait elle avait du mal à s’arrêter. Ils n’avaient plus de pouls. Elle soupira intérieurement, elle détestait devoir nettoyer après le passage de compagnons peu soigneux, mais si elle voulait que les déplacements du groupe restent discrets il fallait bien se débarrasser des cadavres. Les corps furent entassés dans une pièce qui ressemblait à un placard à ballet. Ce n’était pas l’idéale mais pour le moment cela suffirait et c’était toujours mieux que de les laisser au milieu du chemin. La tueuse s’engagea en première dans les escaliers tout en espérant intérieurement que leur cible n’avait pas pris la fuite en entendant les hurlements. Sur le haut des marches elle retrouva sa coéquipière.

« On a de la chance que tu n’inflige pas de vrais blessures sinon on aurait été obligé de nettoyer le sol derrière toi, et nous savons toute les deux à quel point le sang est difficile à faire partir. » lui dit-elle à voix basse et avec un petit sourire en coin.

Sans attendre la réponse de Kurata Heather monta les dernières marches et posa son oreille contre la porte. Elle n’entendit qu’un bruissement de feuille. Elle prit un de ses couteaux et vérifia qu’il était bien aiguisé. Elle prit délicatement la poignée de la porte dans la main, compta intérieurement jusqu’à trois puis ouvrit brusquement la porte. Elle entra rapidement et se déporta sur la droite afin de laisser la place au reste du groupe d’entrer. La première chose qu’elle vit dans la pièce fut leur cible, un sourire de satisfaction s’étira sur son visage.

Ses mèches blanches lui chatouillèrent les narines. Elle ne bougea cependant pas. Immobile, juste ses épaules tressaillirent. Sa tête bougeait de droite à gauche, ses doigts tapotaient en rythme le mur qui leur servait de cachette. Une musique lui trottait dans la tête. Son regard fut attiré par une forte présence effrayante voire même meurtrière. Heather, la brunette à la cape du groupe lui lançait son illustre " regard de la mort qui tue qui te dit de ne faire aucun bruit sinon tu finiras dans une gamelle ". Iolana avait l'habitude de ce regard. Sa coéquipière le lui avait lancé maintes et maintes fois. Rêver pendant un entraînement et/ou une mission est mal après tout non ? Pour réponse elle lui lança un haussement de sourcils. Et encore, je n'ai pas chantonné, c'est déjà ça.

Des cris fusèrent, ce qui entraîna une nouvelle mélodie dans la tête de la rêveuse. La grincheuse partit au quart de tour, indiquant au reste du groupe d'y aller. Elle traîna les corps sans grande difficulté, laissant croire à Iolana qu'elle n'avait pas besoin d'aide. Elle évita l'endroit où était situés les corps sans âme. Un simple amuse gueule pour le groupe que la joyeuse avait eu le plaisir de se faire seule. Egoïste. Elle montait calmement les escaliers. Le rez-de-chaussée était maintenant désert. Néanmoins, même si pour elle marchait avec une lenteur extrême, pour les yeux de ses compagnes de combat c'était plus difficile. Dès qu'elle eut posé le pied sur la première marche, la voilà déjà en environ trois secondes à côté de Kurata. Elle posa sa main sur son épaule droite - une manie chez la jeune femme, elle s'exprimait énormément avec ses mains et était très tactile -.

« Pense un peu à nous, on s'ennuie sinon la plupart des missions si tu t'amuses à te faire les pions inoffensifs de l’échiquier. »

Un fracas surgit. La grincheuse venait d'ouvrir ( enfin ouvrir, c'est bien gentil ) la porte qui précédait la salle où se trouvait la cible à abattre. Iolana s'avança avec zèle vers ce qui restait de la porte. Arrivée à celle-ci, ses doigts effleurèrent l'une de ses dagues et, en une fraction de seconde, elle était derrière la cible, comme son ombre. Son arme était à son cou. L'odeur du sang des précédentes proies était encore présente sur la lame.

« Quelqu'un pour le faire ? Ma motivation n'est pas là aujourd'hui, l'ennui est roi. »

Elle fit néanmoins comprendre à sa victime qu'elle était là en lui collant sa dague sur sa peau, ce qui faisait saigner le corps tremblant de l'homme.

La jeune femme emboîta le pas à ses compagnes de missions. Celle-ci était particulièrement futile, aussi était-elle pressée de rentrer. Un simple prêtre -du Vatican ou non- ne méritait pas selon elle de déplacer toute l'équipe : Setsu et Heather, par exemple, auraient largement suffi. Cependant, l'idée de s'infiltrer dans la demeure de l'ennemi lui avait plu et elle avait fini par faire ses valises. Maintenant qu'elle était ici, dans cette tour idiote, elle voyait bien à quel point elle avait été stupide. L'excentrique Kurata avait encore frappé. L'horreur qui se lisait sur les traits des défunts arracha une grimace de mécontentement à Maeru. Manifestement, sa cadette ne suivait toujours pas les directives. La cible d'abord, si je me souviens bien ... Elle aida Heather à entasser les corps dans une pièce exiguë, proche de l'endroit où elles les avaient trouvés. Légèrement essoufflée (déplacer des corps n'est pas si aisé), elle rattrapa la jeune femme brune. Elle avait toujours apprécié son professionnalisme, et ne put que tomber d'accord avec sa remarque.

(...)

Maeru entra dans le bureau du prêtre, s'attardant sur la décoration. Un repaire plein d'informations sur l'ennemi pensa-t-elle, désormais intéressée. Lui parvint éloignée la voix du prêtre suivie de l'incompréhension de June, une femme "sulfureuse".

" Hein, pardon ?
- Laisse, il parle italien, June. Fais ton boulot "

marmonna de sa voix grave Maeru.

" Mais il a dit quoi ?
- Tu ne veux pas savoir. "

Elle n'avait de toute manière rien compris aux paroles de l'homme. Sans porter d'attention au répugnant jeu sexuel de sa camarade, elle s'approcha du bureau de l'homme et entreprit de fouiller dedans. Rapporter des informations sur des organisations pouvait toujours être bénéfique à l'équipe. Cependant des serrures verrouillaient les tiroirs, et elle n'était pas munie de ses gadgets habituels. Seuls deux revolvers ornaient sa ceinture, mais leur utilisation abîmerait le contenu des compartiments. Déçue, elle se tourna vers ses coéquipières et appela :

" Reisen, tu veux bien m'assister ? "

" Bien... Et maintenant ?
- Maintenant on a terminé, à nous les pépètes et la liberté ! On a aura plus de gros riches sur le dos, HA ! Il me tarde de rentrer chez moi et de ne plus penser aux pigeons qui nous donnent des ordres en se croyant supérieur. "
Kurata sautillait en tapant des mains avec excitation. Cependant tout le monde ne voulait pas retourner fissa au QG. En effet deux de ses camarades continuaient leurs recherches pour trouver un document possiblement intéressant. La blonde s'approcha alors pour les aider. Elle leva l'énorme paquet de feuilles étalées sur le bureau en désordre. Des photos en tombèrent au sol. Intriguée, la jeune fille les ramassa. Il ne s'agissait ni plus ni moins d'images représentant parfois des bonnes sœurs en tenues religieuses ... et parfois pas. En tout cas elles avaient l'air rarement d'accord pour être vues ainsi. Kurata laissa échapper une réaction de dégoût et aurait bien aimé réanimer le vieux pervers pour le tuer à nouveau dans la souffrance.
Elle fut sortit de ses pensées lorsqu'elle entendu un écho lointain. Elle se retourna rapidement et avança sans bruit devant la porte. Des bruits de pas, de porte qui s'ouvre, de réactions de stupeur et d'effroi. " Avis à la population : la basse-cour se ramène, faut se tailler et vite. "
Plus efficace qu'un ordre du Parrain qui menace ta famille, toutes les filles se mirent alors en marche pour décamper. Avec une précipitation organisée, elles rassemblèrent toutes les feuilles en paquets sur la table. Chacune prit ce qu'elle put, les engouffrant dans le pantalon, le décolleté ou les poches. Il ne restait plus grand chose lorsque des bruits de plus en plus proches se firent entendre. On prit rapidement le mort assis sur sa chaise et on le bloqua contre la porte fermée afin de ralentir un peu plus les non désirés.
Maintenant il ne restait plus qu'à savoir par où sortir ... et surtout comment ? Il n'y avait qu'une ouverture dans cette petite salle, et il y avait de quoi se péter deux bras et le petit orteil en sautant par la fenêtre. Il n'y avait pas de quoi faire une corde de draps pour sortir, et personne n'avait les cheveux assez long pour descendre en rappel le long du bâtiment ... on ne pouvait alors qu'escalader le mur extérieur, heureusement les pierres offraient assez d'espace entre elles. Les filles se mirent alors plus ou moins en file indienne et passèrent rapidement à travers la fenêtre avec agilité.
Il est maintenant plaisant de penser que lorsque la police et les quelques habitants de la Tour Borgia arrivèrent enfin à enfoncer la porte et que le lourd corps du directeur des branches saintes tomba dans un fracas sur le plancher, les sept assassins avaient déjà dépassé la frontière et au-delà sans la moindre encombre.